Il m’arrive souvent de me demander quand on a commencé à perdre l’habitude de faire les choses par nous-mêmes. Dans les magasins, tout est disponible, tout est prêt à l’emploi, et on pourrait croire qu’il est plus simple, plus rapide et parfois même plus économique d’acheter que de fabriquer. Pourtant, chaque fois que je termine un petit bricolage, que je retape un meuble ou que je monte une étagère avec mes propres mains, je ressens une satisfaction profonde que rien de “clé en main” ne peut égaler.
Réfléchir et ralentir
Je crois que cette satisfaction vient d’abord du rapport au temps. Quand on fabrique quelque chose soi-même, on est obligé de ralentir. Il faut mesurer, réfléchir, essayer, parfois recommencer. On prend conscience des étapes, on s’imprègne du processus. À une époque où tout nous pousse à aller vite, ces moments imposent une autre cadence. Ce n’est pas toujours simple, et je reconnais que certaines tâches me prennent plus de temps que prévu, mais au final, ce temps n’est jamais perdu. C’est du temps investi dans un objet qui portera sa propre marque, dans un geste qui restera.
Le lien avec la matière
Le bois qui sent la sciure, le métal qu’on polit, la terre qu’on malaxe : ce sont des sensations concrètes qui réveillent quelque chose en nous. Manipuler des matériaux, c’est se confronter à leur résistance, à leur texture, à leurs imperfections. On apprend vite que rien n’est parfaitement droit, que chaque planche a ses nœuds, que chaque vis demande un ajustement. Ces petits défis sont autant de rappels que le monde réel n’est pas lisse et que c’est justement cette imperfection qui fait sa beauté.
Les objets comme porteurs d’histoires
Le “fait maison”, ce n’est pas seulement produire un objet utile, c’est aussi raconter une histoire. Quand je regarde une étagère que j’ai montée moi-même ou un banc que j’ai réparé, je me souviens de chaque étape, des erreurs corrigées, des petites astuces trouvées en cours de route. Ces objets n’ont pas seulement une fonction, ils portent une mémoire. Et chaque fois que je les utilise, je retrouve ce sentiment de fierté discrète : celle d’avoir créé quelque chose de mes propres mains.
Une fierté à contre-courant de la consommation rapide
Dans un monde où tout s’achète, où l’on peut commander en ligne et être livré le lendemain, cette fierté peut sembler dérisoire. Mais pour moi, elle a une valeur immense. Elle me donne le sentiment d’être un peu moins dépendant, de garder une part d’autonomie. Savoir réparer une chaise, bricoler un rangement ou jardiner quelques légumes, ce sont autant de gestes simples qui me rappellent que je ne suis pas seulement un consommateur passif. Je peux aussi être acteur de mon quotidien.
Des objets qui ont une âme
Bien sûr, je ne prétends pas tout faire moi-même. Il m’arrive d’acheter du mobilier, des outils, ou même d’abandonner un projet trop complexe. Mais je remarque une différence énorme entre les objets que j’ai fabriqués ou réparés et ceux que j’ai simplement achetés. Les premiers ont une valeur affective, les seconds finissent par se banaliser. Le “fait maison” donne une âme aux choses, une singularité que l’uniformité industrielle ne peut pas offrir.
L’humilité du bricolage
En bricolage, on se rend vite compte de nos limites, des erreurs qu’on fait, des ajustements nécessaires. Chaque projet est une leçon. J’ai raté des assemblages, j’ai gâché du matériel, j’ai dû recommencer. Mais chaque échec m’a appris quelque chose. Et au lieu de voir ces erreurs comme des pertes, je les considère comme des étapes naturelles. Le “fait maison” nous réconcilie avec l’idée que tout ne doit pas être parfait pour être valable.
Une expérience plus qu’un objet
Avec le recul, je me rends compte que cette satisfaction du bricolage dépasse largement l’objet produit. Elle me permet de me reconnecter à quelque chose d’essentiel : le plaisir du geste, le contact avec la matière, la lenteur assumée d’un projet qui prend forme petit à petit. C’est une expérience qui apaise, qui recentre, et qui donne du sens à des choses très simples.
Pour ceux qui veulent se lancer dans des projets simples, j’ai regroupé quelques idées dans mon tableau Pinterest Petits bricolages maison, avec des astuces faciles à adapter chez soi.
Alors oui, on peut tout acheter. Oui, c’est parfois plus pratique, plus rapide, plus rentable. Mais chaque fois que je fabrique ou que je répare, je retrouve une part de moi que les rayons d’un magasin ou les clics d’un site internet ne me donneront jamais. Et je crois que c’est cela, au fond, qui fait la vraie richesse du “fait maison” : la capacité à nous rappeler que nous sommes capables, que nous avons des mains, des idées, et que créer est toujours un peu plus gratifiant que consommer.
Pierre Morel